Les morts ne sont pas morts

Malik Nejmi

6th Feb - 06th Mar 2015

Malik Nejmi, au cours de sa résidence à la Villa Médicis en Italie en 2013/2014, s’est intéressé à la figure du vendeur ambulant comme héros des temps modernes. Fasciné par le courage de ces hommes qui parcourent l’Europe, son travail l’a amené peu à peu à se rapprocher d’une partie de la communauté sénégalaise implantée en Italie. Il l’a suivie et rencontrée à un moment particulier de son histoire : la commémoration du meurtre de deux marchands ambulants sénégalais à Florence, Mor Diop et Samb Modou, assassinés par un extrémiste fasciste affilié au parti CasaPound en décembre 2011.

Ecoutez l’entretien de Castellina Luciana, éditorialiste au quotidien italien « Il Manifesto », sur RFI

En 2012, alors qu’il est en repérage au moment des commémorations officielles, Malik Nejmi rencontre cette communauté dans ce moment de recueillement. « Une sorte de tableau vivant, un groupe d’homme recueillis dans une mosquée tentait de s’organiser pour une prière collective, une prière aux morts comme cela se fait dans tout contexte musulman. »

Ce n’est qu’en décembre 2013, deux ans après les évènements, que ce grand moment de recueillement a pu être organisé à l’initiative des familles de victimes, seules et entourées de quelques proches. La vidéo restitue ce temps de prière sur un plan séquence. Ce moment ainsi filmé donne à voir la teneur de la violence qui a jailli sur cette communauté et les liens étroits qui s’établissent entre le religieux et le politique dans leurs parcours migratoire. Autoriser une caméra à filmer ce moment intime (il s’agit d’une lecture intégrale du Coran) est une manière de prolonger la lutte : lutter pour exister sur une terre d’accueil pose des questions existentielles redoutables. Des questions qui interrogent aussi forcément, la position de l’artiste dans la société civile, dans la cité, questions d’engagements inhérentes aux champs du cinéma et de l’art contemporain. « Tu peux filmer si ton film nous aide à lutter » …

Le titre du film s’inspire du recueil « Les Souffles » (Leurres et lueurs, 1960) du grand poète sénégalais Birago Diop, et aborde ainsi la place du langage, des mots, de l’idée même de lutter avec les mots, les mots d’un poème, les mots traduits dans la langue de l’autochtone, des mots qui lus sur les places publiques par le leader représentant de la communauté sénégalaise Pape Diaw, sonnent alors comme un slogan politique antifasciste.