Kulte Center for Contemporary Art & Editions @2024
Meryem El Alj
Meryem el Alj, à la recherche de l’abstraction
Exposée jusqu’à la fin du mois, simultanément à la Galerie Kulte de Rabat et à la Galerie Fatma Jellal de Casablanca, Meryem el Alj continue d’explorer dessins et collages mais ne délaisse pas pour autant la peinture, le médium qui la définit le mieux. Nous avons rencontré l’artiste pour évoquer son parcours qui se distingue par son obsession pour l’abstraction et pour le sujet invariable qu’elle met en scène depuis trente ans.
Les peintres marocains contemporains se font rares depuis quelques années sur les cimaises. L’époque lui préférant de nouvelles pratiques, admirer une peinture de qualité semblait voué à devenir un plaisir rare et presque coupable.
Meryem el Alj fait partie de ces résistants, de ces irréductibles, elle continue de nourrir quotidiennement et inlassablement sa pratique d’une recherche constante. Et celle qui se définit comme « un petit ouvrier » apparait bien plus comme une éternelle apprenante qui entre connaissance et empirisme tente de pousser toujours un peu plus loin ses expérimentations.
Et dans la double exposition simultanée que lui dédie la Galerie Fatma Jellal à Casablanca et la Galerie Kulte de Rabat, c’est une approche entamée dès 2011 qui privilégie désormais le dessin et le collage qui est mise en avant et qui correspond à l’évolution formelle la plus récente des recherches de l’artiste autour de son sujet, invariable, de prédilection : la carcasse.
Le plus intéressant dans ce sujet ne résidant pas dans son origine – forcément a posteriori anecdotique – mais plutôt dans le fait qu’il fournit à Meryem el Alj un prétexte pour peindre depuis 30 ans. On est tenté de faire un rapprochement avec le travail de Claude Viallat du groupe « Supports/Surfaces », dont elle fut l’étudiante aux Beaux-Arts de Nîmes et dont le leitmotiv inlassablement répété était d’épuiser le motif. Mais pour Meryem el Alj, le choix de la carcasse procède d’un autre état d’esprit : « Chez moi, ce n’est pas un motif. C’est un outil de travail, une forme qui se décline, qui bouge et qui donne beaucoup de possibilités. »
Aussi, celle qui travaille beaucoup et méthodiquement car elle ne « supporte pas l’anarchie » perpétue de saison en saison sa confrontation à cette carcasse. Il y a d’abord eu la peinture pure et ses variations : le travail de la lumière par la couleur, le monochrome, le voilement puis le dessin par la peinture, puis le dessin pur, le collage, le mélange des deux, le travail sur miroir, sur plexi et plus récemment sur bois découpé et sculpté au laser et à nouveau peint. Dans ce corps à corps, une question habite l’artiste : « est-ce que ma peinture peut survivre à cette forme ? »
Ainsi, l’atelier de celle qui dit être « à la recherche d’une abstraction » et où sont rangés méthodiquement « ses carnets d’alphabet » et les différentes œuvres qui en découlent, est une ode à l’art comme recherche et comme réinvention permanente ainsi qu’au travail méticuleux et quotidien comme discipline. Meryem el Alj rejoint ainsi une certaine tradition de la peinture contemporaine marocaine où l’attachement à une forme devient prétexte à une exploration sans cesse renouvelée qui permet d’étendre les possibilités de la peinture toujours plus loin.